Nous traversons avec Alma, sa mère et sa petite sœur une rue de Beyrouth détruite. Un soldat m’arrête, il veut voir ma pièce d’identité et me demande ce que je fais ici. J’ai à peine sorti ma carte qu’il commence à me bousculer. Je ne sais pas quoi lui répondre, moi non plus je ne sais pas « ce que je fais ici ». J’ai failli lui dire : « J’accompagne ma petite amie Alma qui est venue voir sa ville détruite et le cabinet médical de son père en miettes. » Sa mère prend alors la parole et hurle au policier : « C’est son pays, il marche où il veut ! »
Je vois le premier studio où j’ai habité quand je m’étais installé à Beyrouth. Ma vue donnait sur le port et c’est là que nous nous sommes embrassés pour la première fois avec Alma. L’immeuble est ravagé. Ma propriétaire qui vivait en dessous de chez moi « est gravement blessée » me dit le concierge qui, lui, a sa sœur à l’hôpital.
Je vois l’appartement dévasté que je voulais offrir à mes parents dans Gemmayzeh. Il est parfois bon de rater des projets, de ne pas gagner trop d’argent. Si j’avais eu les moyens de l’acheter, mon père et ma mère auraient été probablement déchiquetés par l’explosion.